Marseille. Je me suis levé très tôt ce matin, je ne voulais pas manquer l’arrivée sur le port. De toute façon, avec ma nuit de travail avant-hier, je suis complètement décalé. Après l’accostage, je suis allé prendre mon poste. Pour mon dernier jour, j’étais d’équipe de rangement : je ne lève l’ancre qu’en début d’après-midi. La direction a prévu un genre de pot de départ pour le repas de midi ? Je vais quand même y aller, même si je n’aurai pas grand-chose à dire. Les autres, forcément, après deux semaines de vie en huis-clos, ils ont sûrement vécu plein de trucs. J’ai vu débarquer les passagers, ce matin. Ils étaient tous à attendre à la queue-leu-leu que les portes s’ouvrent, certains étaient assis dans leur voiture dès 7 heures du matin. A croire qu’ils étaient pressés de s’en aller. C’était marrant, cette foule bigarrée. Ils ont tous assez d’argent pour se payer deux semaines de luxe dans un palace flottant et pourtant, ils sont tous différents. Je m’en suis rendu compte, même en seulement deux jours : certains vous regardent à peine quand d’autres s’intéressent à qui vous êtes, et on voit que tous ne sont pas nés avec une petite cuiller d’argent dans la bouche. J’ai même discuté avec un client qui partage ma passion des oiseaux. Ça m’a fait du bien, j’ai pu commencer à faire le deuil de mon séjour raté à Majorque. Il m’a indiqué des endroits où observer des migrateurs et je les ai notés, ça me fera des destinations pour les vacances. Marseille. C’est la première fois que je mets les pieds dans cette ville et j’avoue que ça me fait un peu peur. On raconte tellement de choses, les règlements de compte, les quartiers Nord, tout ça. J’ai regardé sur un plan où était la gare St Charles : il n’y a qu’une demi-heure à pied depuis le port, ça ira. Heureusement que Lisa peut m’héberger à Lyon ce soir, je n’avais pas d’autre solution pour rentrer à Guéret sans passer par Paris. Je devrai partager son lit mais bon, ça va, c’est ma cousine. Il n’empêche, ces deux jours à bord du Costa Raviera m’ont fait du bien. J’ai été grassement payé, je ne peux vraiment pas me plaindre, les employés sont beaucoup mieux traités ici qu’au Can Simoneta, et cette parenthèse sur les flots m’a permis de faire le point. C’est décidé, je me réinscris pour la rentrée à la fac à Limoges et je termine mon Master en janvier. Ensuite, je repartirai en Espagne pour chercher un vrai boulot. Peut-être que je retomberai sur Maria, ou bien sur sa mère, ou sur n’importe quel autre membre de cette famille de dingues, mais tant pis. Cette fois-ci je ne me laisserai pas impressionner : je suis libre, c’est moi qui décide de ma vie et de ce que j’en fais. Je prends mon envol, comme les oiseaux migrateurs.