Oh la la, si Boby avait vu ce que j’ai vu aujourd’hui. Je n’ai pas eu peur cette fois : j’ai quitté ma cachette, je suis descendu du bateau, et j’ai suivi l’attroupement de tous ces gens du monde indifférents à mon profil sans histoire. J’ai vu des trucs incroyables. La ville, y a pas photo, c’est la plus belle que j’ai jamais visitée. C’est Savonne en plus haut, en plus large, et en plus brillant. J’y ai trouvé toutes les nuances de couleur de mon monde, mille fois répétées. Il y avait des maisons en briques aussi roses que mes joues, et pis des toits bleus de toutes les nuances possibles du ciel de ma ville, et pis des palais en marbre blanc comme le blanc de mes yeux, des façades ocres et jaunes, des fleurs aussi vives que l’été, et pis, et pis. Les corps eux-mêmes étaient aux couleurs de la saison : rouges des écrevisses de la mer, que l’on attrapait Boby et moi sur la plage, bruns des siestes au soleil, roses des émotions d’une journée bien remplie. Dans cette ville, il y avait un endroit plus haut et plus beau encore, parce que c’est possible. Quand on y est rentrés, le monde est devenu doré, brillant comme l’éclair, blanc immaculé. Un grand silence nous a suivis, pendant que je me dévissais la tête pour mieux contempler les peintures merveilleuses. J’ai vu un plafond si riche de détails que je ne savais même plus où regarder. Le soir, sous mon canot, j’ai repensé à cette ville. C’est pas un truc qu’on voit souvent dans sa vie. J’ai dormi comme un bébé et en rêve, j’y suis retourné mille et une fois encore.