Bastia -Savone 11 mai 2023
Etre celle que personne ne remarquera, voilà ce qui m'anime encore aujourd'hui. Aujourd'hui escale à Bastia et je ne suis même pas descendue du bateau
un peu comme si j'avais raté la correspondance.
Je n'y comprends rien.
Je ne sais pas pourquoi je suis là.
Pendant l'après-midi je suis sortie de ma cabine et j'ai marché le long des cursives désertes.
J'ai juste croisé un homme de l'équipage et quand j'ai vu ses yeux c'était comme des baïonnettes
c'est incompréhensible comme si cet inconnu était brusquement devenu le pire des ennemis.
Le pire des ennemis, je dis bien.
Alors je suis retournée dans ma cabine pour retrouver de la tranquillité. Ma cabine. Je m'y sens plutôt bien dans ma cabine. Je ne saurais pas dire pourquoi.
Elle est simple.
Elle est propre et lumineuse.
Je m'y sens en sécurité. protégée du monde et des gens et du bruit et du temps. Et je crois bien que je vais l'aimer cette cabine.
Ma cabine blanche
Ma cabine-cachette
Ma cabine-cabane
Ma cabine-planquette
Ma boîte de sardine
Ma cabine discrète
Ma cabine-bastille
Ma cabine secrète.
Je me suis allongée sur le lit. Il faisait nuit. Je me suis allongée mais pas pour dormir et puis je me suis endormie.
J'ai rêvé tout un tas de choses
la Place du Pont avec un vendeur de cigarettes
un cheval mort quelque part en vacances
un mariage en Espagne avec une histoire de mariée un peu bizarre
un peu comme ça
avec une histoire de dot
de je ne sais quoi
je ne sais plus très bien.
Quand je me suis réveillée il faisait nuit noire au hublot
j'étais en dehors du temps et ça faisait comme un léger tangage et j'ai pensé que nous avions dû quitter Bastia.
Je suis sortie avec l'idée d'aller trouver quelque chose à manger
mais je n'ai rien trouvé sauf un homme d'équipage
pas celui des baïonnettes dans les yeux un autre
qui m'a dit que non ça ne serait pas possible avant le matin pour manger
alors je suis retournée me coucher.
Dans ma cabine silence.