SELMA

Une croisière ! J’ai essayé de faire comprendre à tante Agathe que c’était un truc pour les vieux, elle n’en a pas démordu et elle m’a offert cette croisière en méditerranée pour mes 23 ans. Tout ça pour me remercier des services et du temps que je lui ai accordé cet hiver. Être avec tante Agathe n’est pas un gros sacrifice. Malgré ses problèmes physiques, elle reste souriante, aime plaisanter et me raconter ses voyages, dont les nombreuses croisières qui lui ont fait découvrir une partie du monde. Je pourrais rester des heures à l’écouter, elle y met tant d’enthousiasme, tant de détails dans ses rencontres, tant de poésie dans ses descriptions de paysage.  Et les croisières… Elle a commencé avec ses parents à l’âge de 12 ans. Sa passion n’a jamais faibli. Au cours d’une croisière en direction de l’Amérique du Sud elle a connu son mari et… sans doute ses premiers flirts au cours de précédents voyages… Mais là elle reste assez discrète, c’est en sous-entendus.Me voici donc, valise au bout du bras, sur le quai de Marseille ce 10 mai 2023. Un peu perdue. Un peu inquiète. Beaucoup stressée. Il y a foule. Mon souci : l’âge des passagers. Et, si j’étais la seule « jeune » ? Angoisse. Un beau steward, pratiquement mon âge, me guide vers ma cabine, je retrouve un semblant de tranquillité. Ma valise posée au pied du lit je file sur le pont. Je dois m’imprégner de l’ambiance du départ. Quel va-et-vient ! Des hommes, des femmes, un peu tous les âges avec une majorité tout de même de plus de 60 ans. Parfois ils trainent des valises qui tiennent du déménagement. La foule sur le quai, crie des « bon voyage », agite les mains, envoie des baisers. Le spectacle est partout.  Enfin petit à petit le calme se fait et les moteurs ronronnent. Nous quittons le port, sous l’œil bienveillant de Notre-Dame-de-la-Garde qui nous regarde de là-haut et de Notre-Dame-de-la-Major qui se reflète, à cette heure, dans les vitres du Mucem. Je regagne ma cabine pour m’installer confortablement pour la semaine. Tante Agathe n’a pas lésiné, j’ai un grand hublot pour admirer la mer et je suis sur le pont 7, un chiffre porte-bonheur. Avec mon handicap d’orientation, j’espère ne pas me perdre, si non ce sera l’occasion de m’adresser à un bel hidalgo pour me faire raccompagner. Je rêve déjà. Attendons ! le programme de la semaine est sur la table. Premier rendez-vous au salon à 19h30 pour le verre de bienvenue et ensuite le dîner. Avec qui vais-je partager la table ? Dans mon esprit et mon corps, composition d’angoisse et de plaisir !

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