MICKY

A force de rester dehors toute la journée, la vraie cata est arrivée : je suis tombé malade, le nez bouché, le front tout chaud. J’ai pas fait le malin, je peux le dire. Je suis resté couché sous mon canot de sauvetage et j’ai transpiré comme un cochon. Promis-juré, j'ai bien cru que j’allais mourir. Mais un soir que je me mordais les doigts, une dame vieille et ridée comme une pomme a soulevé les bords de ma cachette. Elle avait pas l’air commode et devant mon air de fièvre, elle a fait une moue déçue. Elle m’a tiré dehors en pestant bien fort et j’ai trébuché mille fois sur le chemin de sa cabine. Quand, couché sur sa banquette, une tisane dans le gosier, elle m’a demandé où étaient mes parents, j’ai fondu en larmes. Je fais le dur moi, mais le voyage commençait à me peser et l’orphelinat me manquer. J’ai pleuré longtemps devant ses lèvres pincées. Quand mes pleurs se sont taris, elle a décidé de parler. Elle, elle avait eu des parents mais ils n'avaient pas valu grand chose. Elle s'est échappée à dix-sept ans et a refait sa vie avec un homme, qui l'avait trompé et humilié plus tard. Elle avait eu trois filles et aujourd'hui deux d'entre elles ne lui parlaient plus. Elle était sèche, ça c’est sûr. Ça devait pas être facile d'être son enfant. Mais pour l’orphelin abandonné dans ce grand bateau à la dérive, il y avait de la tendresse dans la main qui prenait ma température.

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